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Dazed&Confused (2): de l’imitation et de l’esprit du temps

2e partie de l’interview à paraître dans Dazed&Confused de février :

Q : Bienvenue chez toi, Thom, comment a évolué ta relation avec Oxford au long des années ?
TY : Oxford n’a pas tellement changé pour être honnête.Il y a des gens plus riches ici maintenant, c’est dommage. Moins de barjots. Pour le mental, je pense qu’il y a une grande proportion de gens qui sont enfermés dans leur propre cervelle dans cette ville. Vraiment, le pub que je fréquente est plein de chercheurs dans différents domaines et quelquefois j’y vais et je laisse traîner une oreille.J’aime bien faire ça. Mais les conversations de ces gens ne sont pas des conversations normales : ils ne parlent que de physique nucléaire et de mathématiques.
 
Q : Vous vous sentez bien au milieu d’eux ?
TY : Oh ouais ! (rires) Je voulais aller étudier l’anglais à St John parce que tout le monde faisait ça. Mais on m’a dit qu’on ne me laisserait même pas m’inscrire, j’étais trop nul. Oxford University m’aurait avalé tout cru et recraché. Trop de discipline. C’est dingue. Surtout les cours en littérature. Y a des gens qui se jettent par la fenêtre tous les ans avant les examens.
 
Q : Vous avez parlé des imitateurs de Radiohead dans le passé, mais pour AMOK, avez-vous piraté quelque chose de la scène EDM ?
TY : (rires) C’est sûr ! Complètement ! Mais c’est justement ça, ça dépend de la manière dont vous le faites. Il y a une théorie sur notre imagination collective, le fait d’être en phase avec ça ou pas. Et je pense que, oui, ça peut servir d’excuse, mais il y a du vrai là-dedans. C’est sûrement vrai pour la poésie ou la littérature. On peut même le dire pour la mode. Cela dépend comment c’est fait : quand les gens se copient les uns les autres mais n’ajoutent rien d’original à l’équation, c’est pénible parce qu’on peut ressentir l’anxiété du créateur qui voudrait qu’on l’aime. Je vais pas donner de nom mais vous voyez ce que je veux dire. Le désir d’être aimé soi plutôt que « P…c’est tout ce que je reçois ? »
 
 
Q : Vous étiez comme ça aux débuts de Radiohead ?
TY : Tout le monde commence comme ça, tout le monde passe par cette période où on imite d’autres choses parce qu’on est inquiet, on veut être apprécié. Tout le monde le fait ; c’est
juste le temps qu’il faut pour se rendre compte que ce n’est pas très plaisant à écouter et que personne ne veut entendre ça de toute façon. 
 
Q : Quand avez –vous été libéré de cette phase ?
TY : Avec The Bends. Pour la première fois, on pouvait travailler 2 mois sur 12 morceaux, sans voir personne, et c’est ce que nous avons fait, on est entrés en studio avec John Leckie et les mecs du label, le management, se sont amenés pour dire « bon, et…où sont les hits ? » Pendant une demi-heure tout le monde a hésité et puis on s’est mis à dire « Fuck you ! Foutez le camp ! » et on a débranché tous les téléphones. Alors l’anxiété a disparu. Notre excitation venait de nous et le fait que personne d’autres ne faisait des chansons comme nous, c’était libérateur. Une fois que vous avez goûté ça, c’est « OK ! c’est bon là ! »
 
Q : Savoir que vous avez trouvé une formule originale doit être à la fois une bénédiction et une malédiction pourtant.
TY : Quand ça devient un super hit, t’as besoin de ton prochain fix. C’est dur de traverser des périodes où vous n’avez rien de ce niveau. C’est pour ça que je n’arrête jamais de travailler.
Q : Vous êtes toujours en train de chercher une nouvelle tendance ? C’est pour ça qu’AMOK est ancré dans la musique électronique ?
TY : C’est seulement parce que c’est ça que j’écoute. Ma meuf m’a dit : « pourquoi t’écoutes de la dance music en plein milieu de la journée alors qu’il y a personne autour ? » C’est juste que c’est ce que je fais. Mais pour moi l’album d’Atoms n’est pas assez dansant.
 
Q : Atoms for Peace est aussi le titre d’une chanson de The Eraser, et les deux albums ont les mêmes pochettes apocalyptiques créées par Stanley Donwood. Est-ce que c’est une suite ?
TY : Oh, c’est pas du tout comme The Eraser. Mais ce n’est pas un album de groupe non plus, ça ne sonne pas comme si un groupe jouait. On n’entend jamais de musiciens explorer cette zone grise sauf LCD Soundsystem qui a beaucoup travaillé là-dessus. On voulait aller sur le terrain de la chanson, parce qu’on le sentait bien. S’il ne tenait qu’à moi, chaque titre durerait 10 minutes.
 
Q : Qui domine vos tendances au prog-tronica épique ?
TY : ça doit être Nigel et son intolérance à l’extension.
 
Q : Comment ont évolué vos relations avec Godrich depuis votre première rencontre ?
TY : C’est toujours pareil. C’est comme des frères : on se bat, mais on se réconcilie toujours à la fin. Parfois j’ai besoin qu’on me laisse tranquille pour continuer. Parfois, il a besoin qu’on le laisse tranquille pour continuer. Parfois je lui dis : « tu as tort, t’as tout faux. » Et ça peut durer des jours.
 
Q : Vous avez eu des inquiétudes au moment de vous lancer dans le projet Atoms for Peace ?
TY : C’était un vrai casse-tête. Pendant les premiers jours de répétition, c’était clair que tout le monde avait bien fait ses devoirs. Alors quand on les a rejoints avec Nigel, on a commencé et c’était déjà tout prêt, c’était complètement dingue. C’est vraiment la première fois que je jouais vraiment avec un autre groupe depuis mes 16 ans. Sans blague, c’était trippant. Ca m’a agité pendant des semaines. C’était complètement mis en forme sur ce que j’avais fait sur mon portable alors que je pensais que c’était vraiment sauvage comme musique.
 
Q : Vous avez un répertoire tellement divers maintenant, est-ce que vous auriez envie de revenir sur vos archives de Radiohead pour remixer tout ça ?
TY : Je pourrais, ouais. J’aime bien remixer parce que vous pouvez prendre quelque chose que les gens identifient avec vous tout en affirmant que c’est autre chose. On peut passer toute sa vie à revenir en arrière et à se sampler soi-même…mais ça serait un peu de la masturbation.

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