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Radiohead 5 sur 5

Radiohead 5 sur 5

 

 

Samedi soir, au festival Rock en Seine, le groupe adulé d’Oxford a repris en concert ses titres de gloire, devant 30 000 personnes.

 

Par Ludovic PERRIN

 

QUOTIDIEN : Lundi 28 août 2006 – 06:00

 

 

 

Radiohead donnait samedi soir à Saint-Cloud l’unique date en France d’une tournée lancée le 1er mai à Londres. Autant dire, vu l’aura du groupe d’Oxford, probablement la formation de rock progressif la plus adulée depuis Pink Floyd, que le festival affichait complet ­ sur le Net, les places se négociaient à 200 euros.

 

Rock en Seine aura accueilli 57 000 personnes, dont 30 000 pour Radiohead. Depuis l’après-midi du samedi, les pelouses face à la grande scène ne montraient déjà plus grand-chose de vert. Qui va à la chasse perd sa place, et pour beaucoup pas question de rejoindre la scène de la Cascade ou de l’Industrie à l’autre extrémité du parc de Saint-Cloud. Il y avait là le collectif canadien Broken Social Scene, la panthère black Skin, ancienne chanteuse de Skunk Anansie, dans un hard rock pourtant loin de l’inventivité d’AC/DC revendiquée, les Grenoblois de Rhesus, sélectionnés à raison dans les découvertes Avant-Seine du festival, les débraillés mais manquant d’amplitude The Rakes, ou Grand Corps Malade sortant seul ou avec piano, violon et violoncelle sa belle plume de slammeur ­ il a une belle voix grave à la Tom Novembre et des choses à dire (« Ma tête, mon coeur et mes couilles»). 

 

Sorcier médiéval. Sur la grande scène, depuis 17 heures, on n’y perdait pas au change. Les Phoenix, en pleine tournée de l’album It’s Never Been Like That, confirmaient le propos par un esprit, un jeu et une allure prisés outre-Manche. Plus visibles à l’étranger qu’en France, les Versaillais défendaient dans un anglais pourtant familier une fraîcheur à laquelle il avait parfois manqué du corps. Là, c’est le batteur, pas versaillais du tout, qui abat le boulot. Les quatre garçons, soutenus également par un clavier à la bistre chevelure de sorcier médiéval, n’ont plus qu’à prendre appui, tempo, groove et muscle fin. Et de sortir le jeu des riffs et cocottes funk-rock dans la complicité à deux guitares qu’inventa Keith Richards avec les Stones. Le chanteur, en noir, a un charisme rentré. Avec lui, pas de jogging, tout juste plonge-t-il la tête dans le public en fin de set. La moitié est au courant de son idylle avec Sofia Coppola. Nous proposons comme autre explication au succès du garçon, outre un visage bien dessiné, une personnalité vocale à côté de laquelle on peut passer si l’on ne retient du groupe jetlagger que les attributs d’une vaine branchitude. Les Dead 60’s, après eux, n’allaient pas marquer, le chanteur trop proche de Joe Strummer (Clash). On ne peut reprocher à un artiste d’être une éponge. Mais il faut qu’il en sorte quelque chose, comme c’est le cas avec Beck, capable de passer d’un disque funk à un hommage à Gainsbourg.

 

Marionnettes. 19 h 45, toujours sur la grande scène, entre Dylan, Tom Petty et lui-même, Beck porte chemise blanche, gilet, chapeau, guitare folk, harmonica et lunettes noires. L’auteur de Mutations se présente en Far West fellinien avec une troupe de saltimbanques n’oubliant pas de connaître leur instrument. En fond, des marionnettes suivent leurs gestes à l’identique, de sorte que les musiciens et leurs personnages de chiffon se confondent sur les deux écrans géants encadrant la scène. Entracte, petit film avec les marionnettes, qui nous racontent leur vie de stars à Paris : on se photographie devant la tour Eiffel, on boit et on pisse dans les chambres d’hôtel, mais on fait moins les malins devant les loges de Radiohead. Thom Yorke et ses compagnons, sans autre album à présenter que celui de leur chanteur en solo, écrasent effectivement tout espoir de concurrence…

 

21 h 40, des milliers d’écrans de portable s’allument, et on n’ose imaginer devant quel public se produit en même temps Tokyo Ska Paradise Orchestra, sur la scène de l’Industrie. Le riff d’ Airbag, ouverture culte de l’album OK Computer, donne le coup d’envoi d’un son et lumière sans un pet de travers. Radiohead reproduira deux heures durant ses titres de gloire à la note près. On ne vient pas ici découvrir d’autres versions, mais assister à la magnifique mise en lumière d’un répertoire présenté contre toute logique promotionnelle. Entre quelques titres de Thom Yorke, le quintet allait revenir essentiellement sur l’album Kid A (2000). Jugée trop expérimental à sa sortie, la suite d’ OK Computer (1997), troisième album également bien représenté (Airbag, Paranoid Android, Karma Police…), demeure finalement parmi ce que Radiohead peut offrir de plus fort sur scène. Un mariage d’infrabasses, de guitares bruitistes et d’électronique tout aussi schizoïde sur lequel se jette en lentes plaintes Thom Yorke comme vagues au rocher.

 

Pied de nez. Actuellement sans contrat, Radiohead, ancien fleuron de la major EMI, ne défie pas seulement les formats pop avec des morceaux articulés comme des mouvements symphoniques, mais redéfinit les rapports de force entre l’artiste et l’industrie. On peut imaginer quel pied de nez ce fut pour Thom Yorke de sortir son premier album solo chez un indépendant. Le même label Beggars qui avait déjà eu vendredi soir la vedette à Rock en Seine avec The Raconteurs. Mené par Jack White, des White Stripes, quelques heures après les savoureux Dirty Pretty Things avec l’ex-Libertines Carl Barat le bras en écharpe, le quatuor résumait dans le simple plaisir de jouer ce qu’on attend d’un concert. Loin du rock californien de Morrissey, avec un dernier album faiblard malgré la production de Tony Visconti, Jack White envoyait dans un raffinement blues-rock des solos led-zeppeliniens comme l’amplification à quatre de ce qu’il peut faire en tandem avec les White Stripes. L’album Broken Boy Soldiers a de la puissance sur scène. Pour agrémenter, quelques reprises ( Bang Bang de Nancy Sinatra, ou It Ain’t Easy de Bowie).

 

Si les photos de Mondino avaient la parole, elles feraient autant de bruit. Tout près, son exposition autour de l’instrument roi rappelait ce week-end que le directeur artistique qui refusa de signer les Beatles sous prétexte que les groupes à guitares, c’était passé de mode continue quarante-cinq ans plus tard d’avoir tort.

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Amatrice du groupe, surtout en concert. Travaille sur ce site depuis 10 ans.

2 Comments

  1. 10 mars 2024 at 0 h 27 min —

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