Pyramid Song
Inspiration : novembre 1997
Ecriture : fin 1998-début 1999
Premier live : 13 juin 1999 (Tibetan Freedom Concert, Amsterdam)
Travail studio : 8-10 décembre 1999 / février 2000
clip : mai 2001 (SHYNOLA)
singles : 21 mai 2001
Sortie sur album : 4 juin 2001 (Amnesiac)
Utilisation au cinéma : 2007 (Antonello Grimaldi / Chaos calme )
En recoupant des déclarations de Colin en 2001 avec le calendrier des concerts du groupe, on peut supposer que Thom Yorke a commencé à écrire la chanson vers novembre 1997, et comme le suggère le titre, il y a une histoire d’Egypte là-dessous, enfin presque…
Suite à la visite d’une exposition sur les rites funéraires de l’Egypte antique à Copenhague, Thom se serait mis au piano (dont il venait juste de faire l’acquisition !) et aurait commencé à jouer la chanson.
Colin, festival Sundance 2001 :
A noter qu’au même moment, Thom a profité de son nouveau piano pour jouer Everything In Its Right Place, même s’il n’a pas choisi le même traitement pour les deux chansons :
Mojo, interview publiée en juin 2001 :
Thom : « They were both written in the same week – the week I bought a piano (laughs). The chords I’m playing involve lots of black notes. You think you’re being really clever playing them but they’re really simple. For ’Everything’ I programmed my piano playing into a lap-top, but ’Pyramid’ sounded better untreated. »
Thom a confirmé en juillet 2001 dans Rock&Folk en que c’est au piano qu’il a composé la chanson :
1998-1999
ED évoquera régulièrement les avancées de l’enregistrement de la chanson dans le journal qu’il tenait en ligne en 1999-2000, mais c’est véritablement avant cette date, probablement en 1998-début 1999 que la chanson est vraiment écrite et pensée. Pour preuve, elle sera jouée en juin 1999 dans une version assez proche de la finale.
Colin au festival Sundance 2001, nous explique que Thom Yorke présenta ensuite son travail, enregistré sur DAT, au reste du groupe, qui l’adopta immédiatement, et passa ensuite 6 mois à essayer de faire sonner correctement la chanson.
Les influences pour l’écriture de la musique et des paroles sont nombreuses, comme l’expliqueront tous les membres de Radiohead plus tard :
Toujours à propos des pyramides, dans une interview accordée à Rock and Folk en juillet 2001 :
Ce n’est peut-être pas du côté de l’Égypte (en tant que pays) ou de ses pyramides qu’il faut chercher l’inspiration de cette chanson, mais plutôt dans la musique d’une chanteuse égyptienne qui aurait beaucoup inspiré Jonny pour la structure musicale au rythme répétitif et « triangulaire » (comme une pyramide ) de la chanson :
Et un petit commentaires de Colin (source ?) :
Parfois surnommée la « 4e pyramide d’Egypte », Oum Kalthoum (en arabe أم كلثوم), chanteuse et actrice pouvait chanter jusqu’à 8 octaves.
De son côté, Thom Yorke évoque plutôt une influence de « freedom » de Charles Mingus, morceau sur lequel Mingus lit un texte et se fait accompagner par un chœur chantant “Freedom for your daddy, freedom for your mama, freedom for your brothers and sisters, but no freedom for me« , sur une musique évoquant la lente marche d’esclaves enchaînés (ce qui peut rappeler la fuite d’Egypte des « esclaves » juifs racontée dans la Bible).
Dans Mojo, juin 2001, Thom Yorke confesse son obsession et explique qu’il a même tenté de copier les « claps » de la chanson de Mingus :
Quant-à Ed, il trouve plutôt, dans le journal qu’il tenait en ligne , que la chanson a quelque chose d’une des chansons du dernier album de Mark Hollis :
’egyptian song’ then……….thom plays bass and it sounds pretty much finished. i haven’t really been involved in this song so when i hear it i think i’m able to be fairly objective about it………it has the feel of one of the tracks on the last mark hollis album and it is definitely one of the highlights so far. meanwhile downstairs……………….jonny and i are let loose on fucking up phil’s drum sound. hours of fun as coz might say.
Plus connu comme chanteur du groupe Talk Talk (dont le dernier album remontait alors à 1991), Mark Hollis a aussi collaboré avec Unkle en 1998 sur le titre « Chaos » de l’album Psyence Fiction, où d’ailleurs on trouve également le titre ’rabbit in your headlight’, collaboration de Thom Yorke et Unkle… Début 1998, Mark Hollis a sorti son premier album solo éponyme, et c’est sûrement celui-ci qu’Ed a en tête.
Autre influence possible, Stephen Hawking, et le « Livre des Morts tibétain » :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bardo_…
Dans une interview accordée à MTV, voilà ce que Thom répond à un journaliste qui lui demandait ce que signifiait la chanson :
Thom : « C’est assez dur à expliquer… Hum… hum… c’est étrange car cette chanson a été écrite en 5min. c’est venu bizarrement, d’on ne sais où … c’est vraiment des idées que je n’aurais jamais cru pouvoir mettre en chanson. Ca me paraissait impossible. J’étais heureux d’avoir pu le faire. Ca parle beaucoup de… Comment il s’appelle ? Hawking ? Stephen Hawking… Il parle du temps et l’idée que le temps est un processus cyclique et récurent. C’est un facteur comme la gravité. C’est juste ; on retrouve ça aussi dans le bouddhisme. Pyramid Song parle de ça, du fait que tout fonctionne de manière cyclique. Ce n’est pas une tentative désespérée d’éviter la mort, ou d’éviter que la vie passe, que l’on vieillisse… tout ça c’est idiot, car c’est génial ! C’est une belle chose que tout revienne sans cesse. »
Du côté des paroles, on peut également s’amuser à trouver beaucoup d’influences, qu’elles soient revendiquées ou pas !
« River » / « A little row boat » en particulier, font appel à plusieurs référents :
– à la mythologie égyptienne : Le bateau, ou plutôt la barque, est dans la mythologie égyptienne comme dans la vie quotidienne un symbole fort : le soir, Atoum, le soleil couchant, s’en va sur une barque qui toute la nuit traversera le fleuve souterrain jusqu’à renaître le lendemain matin sous la forme de Khépri, le soleil levant.
– au mythe gréco-latin du chemin que les âmes doivent faire avant de rejoindre l’Enfer, traversant la rivière Styx sur une barque menée par le nocher Charron…
– L’Enfer de Dante dans lequel on a aussi un récit de la traversée dans une barque. TY a dit qu’il avait été influencé par Dante qui était le sujet de la thèse de sa compagne, Rachel Owen, graphiste travaillant sur la mise en image de L’Enfer.
Voici un rapprochement assez circonstancié proposé sur un vieux site consacré à radiohead (http://home.att.ne.jp/air/tony/radi…) :
The pilgrim in The Divine Comedy has to cross several rivers in his journey through hell and purgatory. In some cases he travels by boat, but he is obliged to ford the Phlegethon (a river blood in the Inferno). In Purgatorio he crosses the Lethe with his beloved Beatrice. Incidentally, the waters of the Lethe make us forget our past lives, a possible link with the title of the album.
black-eyed angels
The Inferno is peopled by, among others, the angels who sided with Lucifer, and were cast out of Heaven by God. These are sometimes referred to as ’black angels’.
a moon full of stars and astral cars
The last line of the Inferno is ’and we came out once more to see the stars’. Another (rhymed, and therefore less accurate) translation ends, “The beauteous shining of the heavenly cars. And I walked out more beneath the stars.” The third book of The Divine Comedy, Paradiso, is filled with references to heavenly bodies.
all the figures I used to see
On his journeys thorough Hell, Purgatory and Heaven, the pilgrim Dante meets countless famous historical figures, as well as people he knew himself before they died.
all my lovers were there with me
A whole section (Canto V) of the Inferno is devoted to famous lovers, including Dido, Cleopatra, Helen, Paris and Tristan.
all my pasts and futures
The Shades in Hell remember the past, and can predict the future, but know nothing of the present. They beg our hero for news of what is happening in the world, and in some cases refer to his own past, and tell him what will happen to him in the future.
we all went to heaven in a little rowboat
The Divine Comedy ends with the pilgrim visiting heaven, and meeting the saints, and God himself.
there was nothing to fear and nothing to doubt
In the Inferno, the hero is often afraid, but is constantly reassured by his guide, Virgil, that there is nothing to fear on this journey, as they have the protection of God.
– à la nouvelle « Siddartha » d’Herman Hesse, dont une citation figurait sur radiohead.com au printemps 2001 :
Siddartha
Herman Hesse
La page est d’ailleurs toujours archivée à cette adresse sous le nom « thomwidescreen.html » :
http://www.radiohead.com/Archive/Si…
et d’ailleurs, si on regarde bien dans la barre d’adresse on voit qu’elle figure dans le dossier « alexandria »… (finalement, on revient toujours à l’Egypte !)
L’intérêt pour l’Egypte de Thom Yorke ne s’est pas démenti : lors de la tournée 2012 pendant laquelle Pyramid Song a été beaucoup jouée, la musique de sortie de concert était …« Egyptian Song » par Sidney Bechet. La boucle est bouclée.
On trouve dans une vieille chanson américaine de Shirley Ellis (The Clapping Song ) en 1965 les paroles « And they all went to heaven in a little row boat » issus d’une comptine :
La chanson est jouée pour la première fois au Tibetan Freedom Concert, à Amsterdam (Pays-Bas). Cette version est acoustique, avec seulement Thom au piano. Le tempo est lent et répétitif.
En conférence de presse, Thom interrogé à son sujet, explique qu’elle n’a pas encore de titre, mais les fans décident de l’appeler « Nothing to fear ».
Ed parle de la chanson dans son journal en ligne. Le groupe l’a déjà expérimentée en live, le temps est venue d’essayer de l’enregistrer en studio :
le jeudi 9 décembre 1999
Malgré la fatigue dont parlait Ed, le groupe continue à enregistrer. Visiblement Thom est très emballé par Pyramid Song, qu’il pressent comme leur meilleur chanson. Certainement qu’il a envie de la faire figurer sur KID A en préparation :
phil and thom also nailed a wonderful version of ’egyptian song’ during the day. thom thinks it’s the best thing we’ve committed to tape, ever.
le vendredi 10 décembre 1999
Dernier jour de travail sur Pyramid Song (avant la pause tant espérée !)
le vendredi 4 février 2000
Le groupe est de retour en studio, après la pause de noël-nouvel an.
Pour éviter de reproduire le traumatisme de l’enregistrement d’OK Computer (où ils étaient claque-murés en studio), ils ont décidé de tenter quelque chose de nouveau : un enregistrement des cordes dans une petite abbaye, avec l’orchestre de St John dirigé par Jon Lubbock. Ed a adoré l’expérience !
we needed this session after what has seemed an incredibly draining week.
le lundi 21 février 2000
Après une nouvelle pause d’une semaine, le groupe est retourné en studio. Nigel et Jonny particulièrement essaye d’arranger la partie « cordes » d’Egyptian Song.
le lundi 28 février 2000
L’enregistrement a bien avancé. Ed confesse qu’il n’est pas vraiment impliqué dans l’enregistrement de Pyramid Song, mais qu’il la pressent comme un « tube ». Thom a revu la partie basse de la chanson, et elle sonne encore mieux ! :
nigel was sidetracked last week by ’cuttooth’ so he really really wants to do some mixing this week. ’egyptian song’ then……….thom plays bass and it sounds pretty much finished. i haven’t really been involved in this song so when i hear it i think i’m able to be fairly objective about it………it has the feel of one of the tracks on the last mark hollis album and it is definitely one of the highlights so far. meanwhile downstairs……………….jonny and i are let loose on fucking up phil’s drum sound. hours of fun as coz might say. starts off by phil doing some drums on ’kinetic’……………….keep getting that ground hogday sensation writing this diary. can’t help feeling that this must be an exceptionally boring read except to maybe the diehard muso…………
le mardi 29 février 2000
Nigel travaille au mixage de la chanson :
le jeudi 15 juin 2000
Au concert de Barcelone (Espagne), la chanson est jouée sous une nouvelle version et change de titre, « Egyptian Song ». Le groupe entier la joue, guitare, basse et batterie y sont donc rajoutés.
Voici la version du 17 juin 2000, à Toronto (à partir d’1h49’30) :
A cette période, la chanson sera très souvent jouée en live.
le lundi 2 octobre 2000
Sortie de KID A. Colin avait encore déclaré en juin qu’ « egyptian song » était susceptible d’y figurer, mais finalement, rien…
le mercredi 28 février 2001
Thom annonce sur le messageboard du site radiohead.com la setlist du futur album Amnesiac :
1. packt like sardines in a crushd tin box
2. pyramid song
3. .pulk/pull revolving doors
4. you and whose army ?
5. i might be wrong
6. knives out
7. amnesiac/morning bell
8. dollars & cents
9. hunting bears
10. like spinning plates
11. life in a glasshouse
au printemps 2001
au printemps 2001, sur radiohead.com, partie ’imaginery poisons’, on trouvait une citation de Herman Hesse en rapport avec la chanson :
en avril 2001
L’enregistrement studio de 4 chansons du futur album se promène sur l’Internet, aidant les fans à patienter : packt like sardines in a crushd tin box, Pyramid Song, I Might be Wrong et Dollars and Cents.
en mai 2001
Un clip réalisé par Shynola, auteur de quelques blips à l’époque KID A, est dévoilé. Sur le site du réalisateur, on trouve quelques bonus.
C’est le premier clip du groupe entièrement en images de synthèse, leur première incursion dans cet univers de l’animation qu’ils n’ont pratiquement plus cessé d’exploiter par la suite.
Le clip réussit bien à peser les deux notions mises en évidences par les paroles : d’un côté un monde féerique, et de l’autre un monde menacé, par le réchauffement par exemple, qui finira peut-être par occasionner ce qu’on voit dans la vidéo…
“Thom Yorke sent us a very disjointed couple of paragraphs about a dream he’d had about lights in the sky and a load of survivors floating in an aircraft carrier after an unhnown disaster or event and we took our inspiration from that.” – Jason Groves du projet Shynola.
Le sujet fait pas mal réfléchir, et il faut bien l’avouer, la vidéo est assez triste. La scène de départ nous laisse voir un homme, sur une plate-forme, au beau milieu de l’océan. Le gars prends une bouteille à oxygène et saute dans la mer. (’I Jumped into the river’).On le voit alors nager à travers une cité moderne engloutie sous les eaux. Il passe le long de buildings, les rues sont encore intactes, jonchées de squelettes, de vieux livres… Le voilà dans une rue où s’alignent des maisons. Avec sa torche, il les éclaire, jusqu’à s’arrêter devant une précise, sûrement la sienne (du moins, c’est ce qu’on déduit). Le voilà qui y rentre, s’y promène un peu avant d’aller s’installer dans le canapé du salon. la chanson en est à “There was nothing to fear and nothing to doubt”.
L’homme détache alors le fil qui lui apportait l’oxygène et le maintenant donc en vie, la caméra suit le film qui remonte à la surface, et on sait alors que le personnage va mourir noyé.. de son plein gré. La fin est superbe, elle représente un ciel ou vire-voltent quelques lumières. Le clip réussit bien à peser les deux notions mises en évidences par les paroles : d’un côté un monde féerique, et de l’autre un monde menacé, par le réchauffement par exemple, qui finira peut-être par occasionner ce qu’on voit dans la vidéo… A la fin, le petit bonhomme qui nageait décroche son arrivée d’oxygène et choisit de rester dans les ruines de monde…
Faut il y voir un message qui encourage le suicide par noyade, seul moyen d’atteindre la quiétude ?
le lundi 21 mai 2001
Une série de single « pyramid song » envahit le marché mondial (sauf aux Etats-Unis, où seul le single « I Might Be Wrong » sortira).
Cette chanson fut désignée par le groupe pour être le premier single d’Amnesiac et le premier single depuis la période OK Computer (soit 3 ans !)
La chanson se classe au 5e rang des ventes en Angleterre, et le NME en fait même le « single » de l’année.
le samedi 2 juin 2001
Le single « Pyramid Song » (Parlophone CDSFHEIT 45102) atteint cette semaine son meilleur classement des ventes avec la 5e place.
le lundi 4 juin 2001
Radiohead sort Amnesiac, moins d’un an après KID A.
« Egyptian song » y figure sous le titre définitif de « Pyramid song » :
fin 2001
Sur radiohead.com, on trouvait ce texte fin 2001, sur la page ’rare’ :
i jumped in the river and what did i see ? black-eyed angels swimming with me. a moon full of stars and astral cars. all the figures i used to see. all my lovers were there with me. all my past and futures. and we all went to heaven in a little row boat. there was nothing to fear and nothing to doubt. there was nothing to fear and nothing to doubt. there was nothing to fear and nothing to doubt. there was nothing to fear and nothing to doubt. |
en 2007
Dans le film d’Antonello Grimaldi, Chaos calme (d’après le roman de Sandro Veronesi), sorti en France en décembre 2008, Pyramid Song est fort à propos utilisée dans une scène où le personnage principal, joué par Nanni Moretti, qui a perdu sa femme, parvient à faire son deuil lors d’une virée nocturne en voiture.
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