la chance aux (nouvelles) chansons
Le samedi 10 juin 2006
Tom Yorke, le chanteur de Radiohead. |
RADIOHEAD
La Presse
La vie est injuste. Seuls 6000 chanceux – il n’y a pas d’autre mot – auront l’occasion de voir Radiohead à la Place des Arts, ce soir et demain. Lors de ses deux derniers passages en ville, en 2001 et 2003, la bande à Thom Yorke avait attiré plus de 20 000 amateurs de rock charpenté. Le calcul est simple: en quittant Montréal, lundi, Radiohead laissera au moins 14 000 fans déçus.
Et les 6000 autres? Ils jubilent déjà. Depuis un mois. Voir Radiohead dans l’intimité de la salle Wilfrid-Pelletier, qui compte 3000 sièges, constitue une occasion rare. La popularité du groupe ayant monté en flèche avec OK Computer, il ne se produit plus que dans des lieux comptant au moins quatre fois plus de places et où les conditions ne sont pas toujours favorables à l’appréciation de sa musique.
L’une des conditions que les musiciens ont émises pour la présente tournée était précisément de jouer dans des lieux propices à l’écoute. Hail to the Thief, dernier album studio du groupe, date de 2003. Le contrat le liant à EMI étant arrivé à échéance, il n’a plus aucune obligation. Fait rarissime de nos jours, Thom Yorke, Jonny Greenwood, Colin Greenwood, Ed O’Brien et Phil Selway tournent sans avoir rien à vendre.
«Ne pas avoir d’obligation – pas de date de publication, rien – causait un problème à Jonny, a raconté Thom Yorke au magazine Rolling Stone. Il trouvait difficile de travailler dans le vide. C’est l’une des raisons pour lesquelles on a décidé de partir en tournée.»
Fait encore plus rarissime pour un artiste de cette envergure, Radiohead a entrepris cette série de spectacles précisément pour jouer de nouvelles chansons. Les informations glanées ici et là sur les sites consacrés au groupe démontrent qu’il possède une réserve d’une douzaine de titres inédits. Il en puise en moyenne sept par concert. Le tiers du répertoire de chaque spectacle est donc constitué de nouvelles chansons.Différentes critiques publiées jusqu’ici laissent entendre que le nouveau matériel est moins ambitieux que Kid A et Amnesiac. Plutôt direct, même. Arpeggi et Nude miseraient sur des guitares typiquement Radiohead. Videotape posséderait un bouillon de mélodies circulaires, alors que 15 Step pencherait vers la techno. Spooks, comporterait de la guitare surf «invertie» – on a bien hâte de l’entendre pour comprendre ce que ça veut dire. House Of Cards serait plutôt radio amicale selon le USA Today et sonne comme du "easy listening à la Radiohead" selon Pitchforkmedia.com.
Bien que cette possibilité ait été évoquée, aucune pièce tirée de l’album que Thom Yorke a fabriqué en marge de Radiohead (The Eraser, à paraître le 11 juillet) n’a été glissée dans le répertoire jusqu’ici. Sans vouloir jouer au devin, il semble peu probable que ce soit le cas puisque de la démarcation entre les deux projets est bien nette. The Eraser est né d’idées «qui ne se seraient jamais rendues au groupe», selon Thom Yorke. «Je n’ai jamais pensé à Radiohead (pendant l’écriture de ce disque)», dit-il encore au journaliste du Rolling Stone.
Où en est le prochain disque du groupe, attendu l’an prochain? À mi-chemin, semble-t-il. La gestation se révèle une fois de plus difficile pour Radiohead, qui se «tape la tête dans le mur» à force de chercher la direction dans laquelle doit aller telle ou telle chanson. «Parfois, ça me rend fou», a confié Thom Yorke.
En réaction à l’accent qui est mis depuis des lustres sur l’album, Radiohead a jonglé avec l’idée de ne publier que des mini albums ou des singles à compter d’aujourd’hui. Le hic, c’est que ce groupe excelle à la fabrication d’albums tissés serrés. Thom Yorke en est bien conscient. «Mais je veux quelque chose qui donne le goût d’aller sur la piste de danse, a-t-il révélé. C’est ce que j’ai toujours voulu. Mais on ne le fait jamais.» La vie est injuste. Même pour Thom Yorke.
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